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March 1967

Interview for Salut Les Copains

Un Beatle à lunettes? Oui mais aussi...

Press interview • Interview of The Beatles

Last updated on December 23, 2023


Details

  • Recorded: Jan 19, 1967
  • Published: March 1967
  • Published by: Salut Les Copains
  • Interview by: Michel Taittinger

Location

  • Interview location: EMI Studios, Abbey Road, London, UK

Timeline

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AlbumThis interview was made to promote the "Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band (UK Mono)" LP.

Master release

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Jean-Marie Périer, a photographer for the French magazine “Salut Les Copains,” took photographs of The Beatles on several occasions over the years. In January 1967, for the last time, he visited the EMI studios at Abbey Road to photograph them. During this session, he took the photo that was used on the Beatles’ next single, “Strawberry Fields Forever / Penny Lane,” which was released in February 1967.

Jean-Marie Périer and journalist Michel Taittinger’s visit was featured in an article published in the March 1967 edition of “Salut Les Copains”. The exact date of the photo shoot and interview is difficult to determine from the article, but some clues suggest that it might have been January 19. The article mentions that The Beatles were working on a “psychedelic” track called “Good news today,” which is likely “A Day In The Life“. It also notes that the previous day, The Beatles were recording in Studio One with 160 musicians.

The article also mentions that, on the day of the interview, John Lennon had the idea to add the voice of Mal Evans on the track. With a huge echo, Mal counted from 1 to 24; at 24, an alarm bell rang. The last clue indicates that the session ended at 3 am, and Paul and John continued the interview at the Bag O’Nail where Jimi Hendrix was performing.

Also, playwright Joe Orton remembered in his diary that he visited Paul McCartney and Brian Epstein on January 24, and that “A French photographer arrived with two beautiful youths and a girl. He’d taken a set of new photographs of The Beatles. They wanted one to use on the record sleeve. Excellent photograph. And the four Beatles look different with their moustaches.

January 19, the first day of recording “A Day In The Life“, is therefore a likely date. At this stage, The Beatles were unsure of how to fill the link section between the end of the second verse and the start of Paul’s middle eight. Currently, the transition consisted of a simple repeated piano chord and the voice of assistant Mal Evans counting out 24 bars. Mal’s voice was treated with gradually increasing amounts of echo. The 24-bar bridge ended with the sound of an alarm clock triggered by Mal.

However, There was no orchestra recording for the Beatles on January 18; and it was not reported that Paul saw Jimi Hendrix live on January 19 (Paul saw him live at the Bag O’Nails on January 11).


Ce soir-là, ils terminaient le play-back de « Good news today », morceau de « psychodelic music », un style qui fait appel à toutes les ressources de l’art sonore. A droite, la photo qui illustre leur 45 tours exporté aux U.S.A.

Il est plus difficile de rencontrer les Beatles que la reine d’Angleterre ou le Premier ministre M. Wilson. Après un mois de pourparlers et quarante coups de téléphone, cet honneur fut enfin dévolu à S.L.C. (Depuis plus d’un an, aucun photographe n’avait pu rencontrer et faire poser les Beatles). Un matin, le cinquième Beatle, Brian Epstein, nous téléphona : « Je vous attends demain à 6 heures chez moi à Londres. »

Départ en catastrophe avec une voiture bourrée de matériel photographique. A 6 heures précises, je sonne à la porte de la magnifique maison de Brian Epstein, qui nous reçoit immédiatement. — Les boys vous attendent, vers 7 heures, au studio d’enregistrement d’E.M.I., 3, Chapel Street. Ils sont en train de travailler depuis un mois sur leur nouveau 33 tours. Profitez-en, je crois que c’est une des dernières occasions de les voir ensemble.

7 heures. Jean-Marie et moi nous nous frayons péniblement le passage au milieu d’une centaine de filles qui bloquent l’entrée gardée par trois ou quatre policemen prêts à écharper tous ceux qui veulent sortir ou entrer. J’apprends que nos quatre amis sont déjà là. A travers d’innombrables couloirs et de vastes studios d’enregistrement, Neil Aspinal, le « road-manager », nous conduit vers le studio n° 2. Chemin faisant, nous traversons un studio grand comme un hall de gare. — En fait, me dit Neil, c’est le plus grand d’Europe, 100 m de long sur 50 m de large et 20 m de haut. Hier soir, les Beatles y enregistraient en compagnie de 160 musiciens.

Du fond du couloir dans lequel nous avançons nous parviennent de plus en plus distinctement toute une succession de sons bizarres (guitares que l’on accorde, gammes sur un clavecin, éclats de rire et réglages d’amplificateurs). Nous approchons du but. On ouvre la porte et nous entrons dans un studio — violemment éclairé — encombré de fils, de micros, de panneaux de réverbération et d’instruments de musique (Dans un coin, contre le mur, je vois, sans exagérer, une douzaine de guitares).

Au centre, il y a une espèce de casemate formée par un clavecin et un piano droit côte à côte. Brusquement, comme deux diables sortant de leurs boîtes, deux têtes souriantes surgissent au-dessus de cette barricade improvisée, en criant : « Bonjour ! » et « Comment ça va ? » (en français). Ce sont John et Paul en train de faire leurs gammes quotidiennes.

D’une espèce de boîte vitrée, située dans un coin du studio, surgissent à leur tour George et Ringo. Tout le monde se retrouve et chacun regrette de ne pouvoir se voir plus souvent. Paul pousse trois ou quatre exclamations du genre : “Ah ! Paris-Paris…” J’en profite pour examiner en détail l’aspect de nos amis, car il faut reconnaître qu’ils ont beaucoup changé, chacun ayant évolué selon son caractère, mais tous gardant un point commun: autrefois, c’étaient les cheveux longs; maintenant, c’est la moustache (On dit déjà «à la Beatle»). C’est d’ailleurs effarant, le nombre de moustaches que l’on rencontre aujourd’hui chez les jeunes Anglais !

John est presque méconnaissable. Depuis qu’il avait été obligé de se couper les cheveux pour jouer le rôle d’un soldat dans le film de Richard Lester «Comment j’ai gagné la guerre», il ne les a pas laissé repousser; en outre, il ne quitte plus ses petites lunettes rondes à monture d’acier. Autrefois, John Lennon était réputé pour passer à côté de ses meilleurs amis sans même les reconnaître (il est myope comme une taupe et ne portait pas de lunettes), ce qui, d’ailleurs, l’arrangeait dans bien des cas. Car, comme dit John : “Lorsqu’on est Beatle on a toujours trop d’amis.” Aujourd’hui, il lui sera difficile d’invoquer ce prétexte.

Une fine moustache à la Gengis Khan lui entoure la bouche et descend en deux étroites bandes jusqu’au menton. Il est habillé d’une manière délirante: Chaussures de tennis à bandes tricolores, bleu, blanc, rouge; pantalon hipster (taille basse) rayé arc-en-ciel; chemise de satin bleu avec cravate monstrueusement large et courte, équilibrée (car John est finalement très classique) par une sévère redingote noire. Juché sur le piano, il commence à réclamer à grands cris du thé et quelque nourriture. Malcolm — le chauffeur personnel de John — qui arbore également une énorme moustache blonde (très proche de celle d’Astérix) se précipite dans un coin du studio où se trouve toute une armée de machines distributrices de boissons et de plats chauds ou froids (installées spécialement pour la séance des Beatles) et lui ramène un verre de lait et un plat de macaronis au gratin. Mais, j’y pense, vous connaissez ce chauffeur. C’est lui qui, dans «Help», sortait de temps en temps de la mer en demandant la direction de Douvres.

Paul, toujours le plus minet, porte un costume vert, finalement assez sobre, sur une chemise de satin rouge. Sa moustache est très noire et très fournie.

— Rien d’étonnant à ce que j’aie la plus belle moustache, me dit-il, car normalement je dois me raser trois fois par jour.

Il a absolument l’air d’un révolutionnaire mexicain.

Ringo est égal à lui-même. C’est finalement le plus calme et le moins exubérant des Beatles. Assis sur une table, il boit silencieusement son thé. Il porte un costume de velours uni bordeaux avec une chemise de satin blanc, une magnifique moustache et, bien sûr, les nombreuses bagues qui lui ont valu son surnom: deux ou trois à chaque doigt de la main droite, dont un énorme saphir.

Mais le plus surprenant des quatre, c’est encore George. Depuis que je le connais, je ne l’ai jamais vu que dans la même tenue, à croire qu’il ne possède rien d’autre qu’un vieux blue-jeans délavé et une chemise kaki des surplus américains :

— C’est ma tenue de travail et celle dans laquelle je me sens le mieux.

En revanche, je ne l’ai jamais vu avec des cheveux aussi longs, ils descendent jusqu’aux épaules. George porte également une magnifique barbe, c’est absolument un personnage sorti de la Bible.

Dans les studios se trouvent également, outre les quatre Beatles et leurs deux “road managers”, un journaliste suédois et un ami de Paul, Klaus Voormann (bassiste de Manfred Mann ; c’est lui qui avait dessiné la magnifique pochette de leur avant-dernier 33 tours « Revolver »). Soudain, la porte de la cabine son du studio s’ouvre et un homme d’une quarantaine d’années, grand et distingué, aux cheveux grisonnants en descend l’escalier. Ce personnage inconnu du grand public, c’est George Martin, qui a eu un rôle considérable dans la fantastique carrière des Beatles. Depuis leurs premiers succès “She loves you” et “Love me do”, il a toujours été leur arrangeur, leur producteur de disques et il a dirigé tous leurs enregistrements. George Martin frappe dans ses mains pour réclamer le silence :

— Messieurs, si nous songions à travailler! John, fais-moi entendre la ligne mélodique de cette chanson à la guitare.

Le silence revient brusquement, chacun prend sa place. Les assistants de l’ingénieur du son commencent à disposer les micros, et Ringo coiffe son casque aux énormes écouteurs. Il a absolument l’air d’un pilote de la R.A.F., une cigarette au coin des lèvres, l’œil triste. Il frappe de temps en temps sur un énorme tam-tam. La séance a commencé. A partir de ce moment, les Beatles ont changé du tout au tout; je n’ai jamais vu des artistes travailler avec autant d’application. Au cours des deux nuits que nous passerons dans les studios, ils n’enregistreront qu’un seul morceau, mais quelle perfection ! Chacun a sa spécialité et fera le rerecording de plusieurs instruments. John, outre la guitare d’accompagnement, jouera du piano ; Paul, du clavecin ; George, de la guitare solo à douze cordes électrique et des percussions (maracas, washboard) ; Ringo, de la batterie et du bongo. Au cours de la dernière prise, John a l’idée d’ajouter tout au long de la partie improvisée la voix de son chauffeur Malcolm ; avec un écho énorme, il comptera de 1 jusqu’à 24. A 24, il déclenchera la sonnerie d’un énorme réveille-matin qui marquera le départ d’une improvisation époustouflante. John m’a dit :

— Dans le morceau, nous faisons de la « psychodelic music ». Ecoute bien : sur le 33 tours, elle s’appelle « Good news today ».

Il est minuit et demie, les techniciens réclament la « pause-thé » (un quart d’heure tous les trois quarts d’heure). Tout le monde se rue sur les machines distributrices.

Soudain, j’entends des voix stridentes, les portes du fond du studio s’ouvrent brusquement, et une dizaine de filles se ruent à l’intérieur, poursuivies par deux ou trois gardiens. C’est une véritable panique. George se précipite sur sa guitare pour la protéger, trois ou quatre filles se sont jetées sur Paul McCartney, une autre est tombée à genoux en pleurant devant John Lennon pendant qu’un garde en a pris une autre à bras-le-corps, l’entraînant vers la sortie pendant qu’elle crie : « Pitié, pitié ». Cinq minutes plus tard, tout est de nouveau en ordre. Le chef de la sécurité vient s’excuser auprès de John :

— Je ne comprends pas comment elles ont réussi à se faufiler, sans doute par une fenêtre ouverte, derrière les studios.

John répond, très flegmatique :

— Have a cup of tea ! (« Ce n’est pas grave, mon brave ! »)

La séance reprend. Brian Epstein m’emmène dans la cabine son où se trouvent quelques “disc jockeys” des radios pirates London et Caroline, pour avoir une première écoute du nouveau single «Strawberry fields forever» reconnu à l’unanimité comme un futur numéro 1.

Vers 3 h du matin, la séance est arrêtée jusqu’au lendemain. Nous devons retrouver Paul et John au « Bag of nails », le club à la mode du moment. George nous a dit bonsoir. Il a horreur de sortir le soir et n’a qu’une hâte: retourner dans sa magnifique maison d’Esher où il retrouvera la jolie Patty, sa femme.

Quand nous sortons du studio, il reste encore une bonne dizaine d’inconditionnelles qui se mettent à pousser des cris stridents. John s’engouffre dans sa Rolls Royce aux vitres noires, George dans son Aston Martin, Paul dans sa mini-Cooper et Ringo dans un taxi (sa Rolls est en révision). Un quart d’heure plus tard, je retrouve Paul au “Bag of nails” où, dans un calme relatif, Jimi Hendrix, la nouvelle coqueluche des clubs londoniens, un gigantesque guitariste noir américain, compromis entre Bob Dy-lan et Mick Jagger, se déchaîne sur la scène. Je lui pose quelques questions.

— Paul, comment vois-tu l’avenir des Beatles ?

— Très bien, contrairement aux rumeurs qui ont pu circuler sur notre éventuelle séparation. Il n’en est absolument pas question; comme tu as pu le constater, nous sommes toujours et pour longtemps les meilleurs amis du monde. Nous avons seulement décidé d’un commun accord quelques changements dans la direction de notre carrière.

— Quels sont-ils ?

— En premier lieu, nous ne voulons plus faire de tournées. John et Ringo se jugent trop vieux. Place aux jeunes ! De plus, chacun de nous a décidé de s’orienter vers des activités particulières. John va sans doute faire encore plus de cinéma, les propositions pleuvent sur lui de tous côtés. Il en est de même pour Ringo. George se lance dans la production de disques et la découverte de nouveaux talents. Quant à moi, j’ai fait dernièrement une expérience très intéressante. On m’a demandé d’écrire la musique d’un film, «The Family way». J’ai été tellement enthousiasmé que je vais sans doute en faire beaucoup d’autres. Je travaille actuellement sur une comédie musicale.

— Et vos projets en commun ?

— Notre single “Strawberry fields forever” sort le 18 février en Angleterre, notre nouveau 33 tours un peu plus tard. Nous continuerons à faire régulièrement des disques et bientôt un nouveau film.

Ainsi, la fantastique carrière des Beatles n’est pas près de se terminer. Ce groupe de quatre garçons tellement sympathique, mondialement connu et adoré qui, en quatre ans, a réalisé la plus fantastique vente de disques jamais vue dans l’histoire du show business (150 millions de disques, 13 numéros un aux U.S.A., 12 en Grande-Bretagne, d’autres au Japon, en Allemagne, en Australie…), est passé aujourd’hui à l’âge adulte. Trois sont mariés, deux pères de famille, seul Paul est l’irréductible célibataire. Chacun est un multimillionnaire en livres sterling. Si parfois ils songent avec nostalgie au temps peu lointain où, au «Star Club» de Hambourg, ils jouaient des nuits entières pour une livre et un sandwich chacun, ils ne regrettent rien et n’ont nullement l’intention de s’arrêter en si bon chemin. Les Beatles, on n’a pas fini d’en parler, et on en parlera encore longtemps.


Paul McCartney writing

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